LE MODELAGE

Vous vous intéressez à l'atelier de modelage ? Eh bien, si vous avez la curiosité de lui rendre visite, le mardi après-midi dans l'ancienne école, vous serez certes très  bien accueillis ; mais vous risquez de rester un certain temps sur le pas de la porte avant que quelqu'un ne remarque votre présence : pas de bavardages, mais une musique douce et une impression de sérénité extraordinaire.

Tous les participants à l'atelier sont absorbés par leur création : l'un vérifie avec un gabarit- qu'il s'est fabriqué- que la courbure de la statuette qu'il modèle est exacte ; l'autre a préparé une planche d'argile qu'il divise de façon à reproduire fidèlement un bas-relief qu'il a sous les yeux ; une autre encore modèle la glaise de ses mains à la recherche d'un équilibre parfait pour la gargouille sortie tout droit de son imagination tandis que l'animatrice discute à voix basse tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, émettant une suggestion technique ou recherchant en commun avec l'élève le meilleur moyen de rendre telle ou telle impression... Pendant ce temps, une « élève » emballe soigneusement dans des linges mouillés puis un sac plastique l'oeuvre qu'elle reprendra la semaine suivante.

Bref, vous avez tout le loisir d'examiner l'atelier : vous ne dérangez même pas, on ne vous voit pas...Tout le monde a l'air si heureux et si paisible qu'on ne peut s'empêcher de demander à Monique - la dévouée animatrice du club - les raisons de ce bonheur ; la réponse est immédiate : l'atelier répond au besoin vital chez tout être humain de créer - besoin qui se manifeste de façon impérieuse sitôt que l'homme a satisfait ses besoins fondamentaux : la nourriture et la sécurité.

Créer ? Oui, c'est facile d'imaginer qu'on puisse être heureux de le faire ! Mais comment garder le moral si on craint de ne pas être forcément très doué pour réaliser une oeuvre- disons acceptable ?

Monique se montre tout de suite rassurante : si le bois ou la pierre ne permettent pas facilement de corriger ses erreurs, la terre glaise se montre compatissante : de mauvaises proportions pour cet ours ? On reprend tout le corps ; un nez trop court à cette statuette ? Et hop ! On le rallonge !Ah ! Si Cléopâtre avait connu notre atelier !

Et pour mieux convaincre le visiteur, le voilà devant l'armoire aux trésors : là sont entreposées les réalisations des élèves : les plus experts comme les néophytes ; quelle surprise de découvrir ce qu'on est capable de réaliser après quelques semaines, ou une année : de quoi rester incrédule et admiratif.

Quelle est la recette ? Monique est formelle : l'envie de créer, l'intérêt, la motivation ; la technique n'est pas l'essentiel ; tout de même... Pour achever de convaincre, Monique montre les trois points sur lesquels elle est «  inflexible » lorsqu'on débute :

• réaliser la copie d'un masque afin de montrer sa capacité à respecter des proportions, se mettre en confiance et avoir déjà l'occasion de donner une première impression de sa façon d'aborder le travail et ses possibilités : les conseils pourront alors être plus personnalisés dans la façon de continuer l'apprentissage ;

• ensuite, il faut apprendre à modeler des pieds et des mains ; impressionnant pour un ignorant, non ? Vous sauriez, vous, faire, ça tout de suite, si on vous met un morceau de glaise dans les mains ? Eh bien, je ne sais pas encore comment Monique s'y prend, mais je peux vous assurer que le travail de « débutant » qu'elle m'a montré est impressionnant et si convaincant !

• De plus, elle fait remarquer que , si la peinture offre des joies créatrices incontestables, elle présente, par rapport au modelage, la difficulté de devoir représenter les objets en deux dimensions , alors que le modelage offre le confort inégalé des trois dimensions...

Conquise, je m'enquiers du matériel nécessaire : Maurice sourit en me montrant ses mains : voilà les principaux instruments...

Bien sûr, pour creuser et dessiner des yeux, un trait dans l'argile on peut utiliser quelques spatules ou mirettes, plus un « crochet » pour évider les statuettes avant de les faire cuire. Mais quel art formidable qui permet d'utiliser directement ses mains pour la création !

Et aussi quel plaisir de regarder travailler tout le monde : personne ne réalise le même objet : certains suivent un modèle : bas-relief, oiseau ou statuette : la documentation est abondante, permettant tous les styles ; d'autres se lancent directement dans les productions de leur imagination : une gargouille prend une allure impressionnante sous mes yeux ébahis.

Pendant un moment, j'ai dérangé l'atelier, mais chacun m'a obligeamment montré son &oeuvre, les outils utilisés ou a charrié de lourds objets déjà réalisés pour que je puisse les photographier : gare à la casse ! Comble du confort, pour la photographie, on m'installe les statuettes sur un socle pivotant utilisé pendant le modelage afin de travailler plus confortablement. Mais pendant que je prends quelques photos, tout le monde m'a déjà oubliée et s'en est vite retourné à sa création ; je ne peux qu'admirer et envier la sérénité que procure cet atelier et m'éclipser sur le bout des pieds...

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